Le défi Bus Factor dans les équipes tech
- Stan Amsellem
- Apr 18
- 5 min read
Imaginez un scénario où votre développeur.euse principal.e, celui ou celle qui connaît tous les recoins de votre code, se fait renverser par un bus demain matin. Combien de personnes faudrait-il perdre dans votre équipe pour que votre projet s'effondre ? C'est exactement ce que mesure le "Bus Factor".
Qu'est-ce que le Bus Factor ?
Le Bus Factor (ou "facteur bus" en français) est un terme utilisé dans le monde du développement logiciel pour désigner le nombre minimum de membres d'une équipe qui, si elles devenaient soudainement indisponibles (l'image un peu brutale étant celle d'être heurté par un bus), mettraient en péril un projet ou la continuité d'une activité, notamment du delivery.
Un Bus Factor de 1 signifie qu'une seule personne détient des connaissances essentielles non partagées. C'est une situation extrêmement risquée pour tout projet.
Pourquoi est-ce un problème ?
Les conséquences d'un faible Bus Factor sont nombreuses :
Risque opérationnel élevé : la dépendance excessive envers quelques individus rend le projet vulnérable
Goulots d'étranglement : les décisions et corrections critiques dépendent de personnes spécifiques
Difficulté d'intégration : les nouveaux membres peinent à comprendre le fonctionnement du code
Perte potentielle de connaissances : le départ d'une personne clé peut entraîner la perte irrémédiable de savoir-faire
Par ailleurs, dans une équipe qui a ses objectifs de roadmap, si un ticket ou un sujet nécessite d'avoir les compétences/connaissances X, Y, Z, on aura naturellement tendance à privilégier collectivement l'assignation de cette tache à quelqu'un qui a déjà ces connaissances/compétences là, pour prendre le ticket et avancer plus vite. De temps en temps, on pensera à proposer de pairer sur le sujet, ou de le documenter, afin de se rendre individuellement moins critique à corriger un bug ou faire évoluer le code qui aura été produit. Seulement, le fait-on assez souvent pour parer à la réalité des sujets/skills en bus factor ?
Comment identifier un Bus Factor faible ?
Voici quelques signes révélateurs :
Une personne est constamment sollicitée pour résoudre les problèmes
Le code contient des zones que personne d'autre ne comprend
Les membres de l'équipe évitent certaines parties du code
La documentation est rare ou inexistante
Les revues de code prennent du temps, sont superficielles ou inexistantes
Stratégies pour augmenter votre Bus Factor
1. Documenter les connaissances
La documentation est le premier rempart contre un Bus Factor faible. Il ne s'agit pas simplement de documenter le code ligne par ligne, mais de créer un écosystème de connaissances accessibles à toute l'équipe. Une documentation de qualité devrait détailler l'architecture globale du système, expliquant comment les différents composants interagissent entre eux. Elle doit également justifier les choix techniques effectués, afin que les futurs développeurs comprennent non seulement le "comment" mais aussi le "pourquoi" des décisions prises.
Les procédures de déploiement sont particulièrement critiques à documenter, car elles impliquent souvent des étapes complexes qui, si mal exécutées, peuvent causer des interruptions de service. De même, les cas d'utilisation principaux devraient être clairement expliqués pour que chacun comprenne la finalité du système et puisse anticiper les impacts de ses modifications.
2. Favoriser la propriété collective du code
Le code ne devrait jamais être le territoire exclusif d'un ou une seule développeuse. Le pair programming constitue une excellente pratique pour diffuser les connaissances en temps réel. En travaillant côte à côte, deux développeurs partagent naturellement leurs astuces, leurs compréhensions du système et leurs méthodes de résolution de problèmes.
Les sessions de partage de connaissances formalisées complètent cette approche. Elles peuvent prendre la forme d'ateliers où un expert explique une partie complexe du code à ses collègues, avec des exercices pratiques pour consolider l'apprentissage. La rotation des tâches est également fondamentale : chaque développeur devrait régulièrement travailler sur différentes parties du code, évitant ainsi la création de "silos de connaissances".
Les revues de code, lorsqu'elles sont menées rigoureusement et non comme simple formalité, permettent non seulement d'améliorer la qualité du code mais aussi de partager les connaissances entre les membres de l'équipe. Elles devraient inclure des discussions approfondies sur les implications des changements proposés.
La CI permet aussi de s'assurer que certaines pratiques sont collectivement appliquées. Encore faut-il qu'elles soient correctement comprises et challengées.
3. Normaliser vos pratiques
La standardisation réduit la dépendance aux connaissances individuelles. En adoptant des conventions de codage cohérentes à travers toute la base de code, vous facilitez la compréhension pour tous les membres de l'équipe. Ces conventions devraient couvrir le nommage, la structuration des fichiers, les patterns de conception privilégiés, et même le style de commentaires.
Les processus de développement également méritent d'être standardisés. Que ce soit pour l'intégration de nouvelles fonctionnalités, la correction de bugs ou la gestion des releases, des processus clairs et documentés permettent à n'importe quel membre de l'équipe de prendre le relais si nécessaire. L'utilisation d'outils d'analyse statique de code contribue à maintenir cette cohérence en détectant automatiquement les déviations par rapport aux standards établis.
L'automatisation joue un rôle crucial dans la réduction du Bus Factor. Les tests automatisés garantissent que les connaissances sur le comportement attendu du système sont encodées dans des scripts vérifiables, tandis que l'automatisation du déploiement élimine la dépendance à des "recettes magiques" connues d'un seul administrateur système.
4. Former activement les membres de l'équipe
La formation ne devrait pas être laissée au hasard ou à l'initiative individuelle. Un programme de mentorat structuré, où les développeurs expérimentés accompagnent les moins expérimentés, accélère le transfert de connaissances. Ces relations mentor-mentoré devraient être formalisées, avec des objectifs clairs et des sessions régulières.
Pour les nouveaux venus, des parcours d'apprentissage spécifiques devraient être conçus, allant de la familiarisation avec l'environnement de développement jusqu'à la compréhension des parties les plus complexes du système. Ces parcours peuvent inclure des lectures recommandées, des exercices pratiques, et des projets de complexité croissante.
L'auto-formation doit être encouragée et valorisée. Cela peut passer par l'allocation de temps dédié à l'exploration du code, l'expérimentation de nouvelles approches, ou l'étude de documentation technique. Les connaissances ainsi acquises doivent être partagées, par exemple lors de présentations techniques régulières où chaque membre peut présenter un aspect du système qu'il a approfondi.
Mesurer l'amélioration du Bus Factor
Comment savoir si vos efforts portent leurs fruits ? Quelques indicateurs :
Rotation des tâches : Suivez qui travaille sur quelles parties du code
Temps de résolution des problèmes : Mesurez la dépendance à des personnes spécifiques
Qualité de la documentation : Évaluez régulièrement sa pertinence
Revues de code : Analysez la diversité des contributeurs
Exercices de simulation : Testez la capacité de l'équipe à fonctionner sans ses membres clés
Conclusion
Le Bus Factor est souvent négligé jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Les équipes de Firefox ou la communauté Linux en ont parfois payé le prix fort. L'augmenter devrait être une priorité pour toute équipe de développement soucieuse de la pérennité de ses projets.
Évaluer régulièrement votre Bus Factor et prendre des mesures concrètes pour l'améliorer n'est pas seulement une bonne pratique de gestion des risques, c'est aussi un investissement dans la qualité de votre code et dans le bien-être de votre équipe.
Ne vous demandez pas si vous devriez améliorer votre Bus Factor, mais plutôt par où commencer dès aujourd'hui.
Cet article vous a-t-il été utile ? Avez-vous déjà été confronté à un problème de Bus Factor dans votre équipe ? Partagez votre expérience dans les commentaires !
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